La technologie est de plus en plus présente dans l’entraînement. Depuis plusieurs décennies déjà, le cardiofréquencemètre s’est imposé comme l’outil incontournable dans le running.
De nombreuses méthodes ont été basées sur la fréquence cardiaque, et les forums débordent de débats sur les pourcentages de FC à respecter, et sur la meilleure méthode de calcul à suivre.
Alors que faut-il en penser ? Comment utiliser ces outils ? C’est ce que nous allons décrypter ensemble dans ce billet.
Un cardiofréquencemètre : pour quoi faire ?
Nous avons vu dans le précédent billet que la montre pouvait être un frein à la progression. Avec le cardiofréquencemètre, on gravit encore une marche dans l’aliénation.
En effet, le « cardio » renseigne le coureur en direct sur ses pulsations cardiaques, ce qui lui permet de déterminer à quelle allure il doit courir.
Or, on délègue souvent trop à l’appareil le soin de nous informer si on est à une allure correcte, ou si nous allons trop vite, nous coupant ainsi de nos sensations.
Être à l’écoute des ses sensations est pourtant le moyen le plus fiable de gérer ses efforts.
De plus, l’utilisation et l’interprétation des données cardiaques sont sujets à caution.
Est-ce fiable ?
Au début des années 1980, les scientifiques ont formalisé l’existence d’une relation linéaire entre la fréquence cardiaque et l’intensité de l’effort. Le concept est séduisant, et la tentation très grande d’échafauder une méthode complète d’entraînement sur cette observation. (ce qui a été fait !)
Mais deux phénomènes principaux viennent gripper la belle théorie.
1- Il y a des jours avec, et des jours sans…
La fréquence cardiaque est sous l’influence du système nerveux autonome qui a un mode de régulation complexe : l’action conjointe des systèmes nerveux parasympathique et sympathique.
Le premier est chargé d’activer l’organisme pour lui permettre de répondre à un stress. Le deuxième est chargé de contrer l’action du premier et de ramener le calme dès que la situation le permet.
Or, en fonction de la forme du jour (la fatigue physique, le niveau de stress et/ou la qualité du sommeil), des variations importantes peuvent être observées, pour un même individu. (de 5 à 10 bpm parfois)
Difficile dans ce cas de faire confiance à son cardiofréquencemètre !
2- La dérive cardiaque ne vous aidera pas à tenir le cap
A vitesse constante, il faut savoir que les pulsations vont avoir tendance à augmenter au fil du temps, que ce soit sur un footing ou une séance de fractionné. C’est une dérive cardiaque à la hausse.
Cela est encore dû au système nerveux autonome, à la thermorégulation, et également à la déshydratation qui au cours de l’effort va réduire le volume sanguin total. Pour compenser cette perte et apporter l’oxygène nécessaire aux muscles, le cœur va devoir envoyer plus sang à chaque battement.
Alors que faites vous dans ce cas ? Vous suivez les indications de votre « cardio », et vous ralentissez petit à petit… Non bien sûr !
Lors d’épreuves d’ultra, on pourra même observer une dérive cardiaque à la baisse, au bout de 3-4 heures d’effort, due à la transition d’une filière énergétique utilisant les sucres à une nouvelle filière utilisant principalement les graisses : « la lipolyse aérobie ».
Enfin, je me dois de dénoncer l’absurdité de certains plans d’entraînement disponibles sur Internet, basés des fréquences cardiaques à suivre.
La fréquence cardiaque est une donnée individuelle !
- Nous avons tous une fréquence cardiaque de repos différente.
- Nous avons tous une fréquence cardiaque maximale différente.
- Nous avons tous une cinétique de fréquence cardiaque à l’effort différente.
La fameuse formule 220 – l’age n’est qu’une donnée statistique qui ne doit PAS être utilisée. A 40 ans, certains coureurs très endurants ne montent pas au dessus de 160 puls./min, alors que d’autres montent encore allègrement à 200 puls./min !
Imaginez les erreurs d’allure que cela occasionne au bout du compte…
ATTENDEZ avant de jeter votre « cardio » !
On arrête tout, on réfléchit. Nous avons vu que le cardiofréquencemètre ne pouvait pas être utilisé pour calibrer vos allures d’entraînement. Il ne peut pas être non plus utilisé pour gérer votre allure en compétition. Pourtant, le cardio fréquencemètre a d’autres applications très utiles. Voyons lesquelles.
Évaluer votre niveau de récupération
Le rythme cardiaque « a les qualités de ses défauts ». Ces variations de rythmes qui sont fonction de la fatigue peuvent être utilisées pour évaluer votre forme, et votre niveau de récupération. Pour cela, prenez vos pulsations cardiaques au repos, le matin dès le lever.
– Votre rythme de repos sera généralement stable (+/- 2 bpm)
– Si celui-ci vient à s’élever brusquement, cela pourra être le signe d’un début de surentraînent ou d’une infection latente.
Voici le type de suivi que j’avais mis en place lorsque j’avais pour ambition d’atteindre mon meilleur niveau, avec les pulsations et la tension au repos, ainsi que le poids, et la mesure du PH urinaire qui me permettait de contrôler la qualité de mon alimentation.
La variabilité cardiaque
La science a d’ailleurs fait des avancées ces dernières années au sujet de la corrélation entre l’état de forme et le rythme cardiaque. Un paramètre supplémentaire a été découvert : il permet de mesurer les perturbations liées à la charge d’entraînement et/ou au manque de récupération : la variabilité cardiaque.
Il s’agit en fait de la mesure des toutes petites variations de temps entre chaque battement du cœur (des écarts de quelques millisecondes).
Et la firme Polar vous permet d’embarquer cette technologie dans sa montre Polar V800. Elle propose cette fonction de test, appelée chez eux « test orthostatique ».
> Il ne vous reste qu’à lancer ce test tous les matins, au réveil, et de mesurer ainsi la réponse de votre organisme à l’entraînement. Comme les pros !
Pour tester votre forme sur le terrain
Pour une fréquence cardiaque donnée, plus vous serez en forme, plus l’allure sera élevée. Donc :
1- Fixer arbitrairement une FC correspondant à une allure sous-maximale, aux alentour de 80% de VMA. Par exemple : 160 bpm.
2- Après avoir apprivoisé cette allure et stabilisé votre rythme cardiaque à 160, mesurez la distance parcourue en 6’ à ces pulsations.
3- Si vous couvrez plus de distance que le test T-1, vous avez progressé.
Avantage : ce test est peu exigent physiquement et peut être répété toutes les 2 à 3 semaines.
On pourrait faire l’inverse, en fixant l’allure (sur une piste, avec des plots tout les 20 mètres, et un métronome numérique), mais la mise en œuvre est moins aisée.
Pour contrôler la récupération lors de fractionnés
On sait que pour faire une séance de fractionné efficace, il faut que la récupération soit courte et active entre les répétitions.
Sur le plan cardiaque, cela correspond à une baisse de 15 à 20 pulsations par minutes, au maximum.
Cela aura pour avantage de diminuer le temps « d’accrochage » du rythme cardiaque et ainsi de passer plus de temps dans votre zone cible.
Pour se faire, vous pouvez scruter votre cardio afin d’ajuster le temps et l’allure de ces récupérations.
Pour se brider lors des footings
Jeune, j’étais rapide et fougueux. (je parle toujours de course à pied)
Et mon problème, comme beaucoup, c’était de respecter des allures suffisamment faibles lors de mes footings ou de mes sorties de récupération.
J’ai donc rapidement trouvé un rôle complémentaire à mon cardio : celui de limiteur de vitesse !
Et c’est terriblement efficace ! Il suffit de mettre une alarme à une fréquence cardiaque correspondant à environ à 70 % de votre VMA. Et le tour est joué !
Pour en finir
J’espère que cet article un peu « poil à gratter » vous permettra de prendre un peu de hauteur sur l’utilisation de votre cardio. Le débat est ouvert.
Dans tous les cas, rappellez-vous que le classement de la course ne se fait pas sur la FC, mais sur le chrono final !
Si néanmoins vous persistez à utiliser votre cardiofréquencemètre pour gérer la totalité de votre entraînement, respectez ces 3 points :
1- Ne calculez pas vos pourcentages sur la FC brute, mais sur la FC de réserve. (méthode Karvonen)
2- Faites impérativement un TEST INDIVIDUEL pour évaluer régulièrement votre fréquence cardiaque maximale (la fameuse FCMAX. Sans cela, tous vos calculs seraient érronés.
3- Déterminez précisément ce que vous mesurez ! Sur les forum, je suis effaré de voir que des coureurs et même des « conseillés en entraînement » confondent allégrement VMA et Fréquence cardiaque maximale, avec une conséquence fâcheuse : le coureur ne progresse pas…
Exemple : à 88-90% de VMA on est à l’allure 10 km mais à 88-90% de FCM on est tout juste à l’allure semi marathon !!! C’est pas la même limonade ^^
Si vous avez des questions, passez par les commentaires ci-dessous.
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Recherches utilisées pour trouver cet articlehttps://courir-comme-un-pro fr/faut-il-jeter-votre-cardiofrequencemetre/
Excellent article!
Ecouter son corps sera toujours plus efficace que de se soumettre docilement à un appareil.
Le patron c’est vous!
Merci Patoche 🙂