Courir avec le dossard d’un autre est monnaie courante, tous les week-ends.
Et ça ne pose pas seulement des problèmes éthiques, logistiques et financiers. Cela peut parfois aller un peu plus loin…
Avec un peu d’humour, je vais tenter d’apporter quelques éléments à une réflexion nécessaire. Imagine…
Imagine le coureur, « running addict », qui participe à toutes les courses sur route ou tous les trails qu’il peut, tous les week-ends. On n’en connaît plein des comme ça, non ?!
Le mec, il est prêt à tout pour décrocher un dossard. Comme il n’est pas trop prévoyant, il ne s’est pas forcément inscrit à l’avance. Et comme les organisateurs limitent de plus en plus le nombre de dossards, il se trouve souvent le bec « dans l’eau »…
Alors, quand son copain Gérard lui propose de lui revendre son dossard parce que lui, il a une tendinite et qu’il ne pourra pas courir, alors il s’empresse d’accepter !
Gégé, lui il est content, car il rentre un peu dans ses frais.
Et le mec, lui, il est content aussi car il pourra courir ce week-end.
Certes, il y aura marqué Gérard sur son dossard, et il s’appellera aussi Gérard dans les résultats, mais l’essentiel n’est-il pas de courir ??
Sauf que la vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille.
Imagine le mec : il lui arrive un petit pépin médical… Ou même un accident plus grave, comme il peut en arriver de temps en temps. Personne n’est à l’abri, n’est-ce pas ?
Il ne s’agit pas ici d’être alarmiste, mais un AVC (Accident Vasculaire Cérébral) ça peut arriver il me semble ! J’ai une petite pensée pour Bernard, Félicien, et d’autres à qui cette mésaventure est arrivée, mais qui ont eu la chance de pouvoir recourir et de retrouver une vie normale. Et j’ai une pensée également pour tous les autres qui ne pourront jamais recourir…
Donc imagine, notre mec : il nous fait un début d’AVC le dimanche matin pendant la course. Il est pris en charge par les secours, et emmené à l’hôpital.
Avec le numéro de dossard, c’est facile pour l’organisateur de retrouver son nom, et les données sont transmises au CHU.
Le médecin appelle donc la famille de… GÉRARD (!!!) pour leur expliquer qu’il a fait un AVC et qu’il est à l’hôpital ! (alors qu’en réalité il est à la pêche…)
C’est pas cool pour la famille de Gégé, surtout que pendant ce temps là, la famille du mec, elle est pas forcément au courant…
Imaginons que Gérard soit parti à la pêche avec son portable, et qu’il puisse informer rapidement l’hôpital de la véritable identité du patient. Disons que ce sera un moindre mal, et que la famille du mec finira enfin par être prévenue. (et sa propre famille rassurée)
On va dire que « Tout est bien qui fini bien ». On est en France, et s’il est bien assuré, lui ou ses proches n’auront pas à subir de préjudice financier.
Mais, est-ce que tu penses que ça vaut le coup, pour une gloriole personnelle, pour une médaille, pour une bouteille ou un T-shirt, de risquer de faire subir ça à ta famille ?
Et ce n’est pas tout…
Dans certains cas de figure, ça peut être « un peu » plus compliqué que ça.
Imagine le mec : pendant la course, il est à l’origine d’un « sinistre » comme le disent les assureurs.
Il percute violemment un passant lors d’un trail urbain, il marche sur un concurrent lors d’une chute en cross (avec les chaussures à pointes montées en 15 mm !), ou il chute lors d’un trail de montagne en emportant un autre coureur. Personne n’est à l’abri, et il ne faut pas se prendre pour des super héros, malheureusement.
L’assurance de l’organisateur est là pour couvrir les participants (inscrits) en Responsabilité Civile. En cas de sinistre, l’assureur va bien entendu faire une enquête. Et il ne faudra pas longtemps pour les experts de découvrir que le mec, il a couru en fraude, avec le dossard d’un autre.
Chaque situation est unique et traitée au cas par cas, mais à coup sûr : il n’y aura pas de prise en charge des frais liés à cet accident.
– L’assurance de la victime : « notre client est victime, ce n’est pas à nous de payer »
– L’assurance de l’organisateur : « on ne connaît pas l’auteur du sinistre. Il n’était pas engagé sur la course. »
– L’assurance du mec : « il y a fraude de notre client et nous contestons la prise en charge des frais liés à cet accident. »
Imagine que la victime du mec garde des séquelles de son accident, avec invalidité, perte d’emploi, et toutes les merdes qui peuvent en découler.
J’espère que le mec n’est pas solvable…
Tu imagines bien, là ? Ben moi, ça me donne froid dans le dos.
Pourtant, c’est le risque que prennent des milliers de runners tous les week-ends en courant avec le dossard d’un autre…
Bref, jamais je ne courrai avec le dossard d’un autre.
NB : je devance votre première réaction :
Il est vrai que si plus d’organisateurs acceptaient de gérer les changements de dossards, il y aurait moins de fraude. Mais ces organisateurs, encore majoritairement des associations (et heureusement pour nos finances) n’ont pas toujours la possibilité de gérer cette charge supplémentaire de travail.
Car il faut savoir que 15 à 20 % des coureurs sont non partant lors de chaque épreuve… ENORME !
Des solutions ?
Le salut viendra peut-être de nouvelles plateformes, comme Luck-it, qui ont l’objectif de favoriser et de légaliser les échanges de dossards.
Affaire à suivre.
Cela vous est-il déjà arrivé de courir avec le dossard d’un autre, ou sans dossard ? Est-ce que ce billet va changer votre façon de voir les choses ?
C’est vrai que la majeure partie des organisateurs de courses sont des assos donc compliqué à gérer le transfert de dossards. Mais parfois des grosses sociétés qui se gavent en prime sur les frais d’inscriptions des courses (ASO pour ne pas les nommer) ne prennent même pas la peine de répondre quand on les sollicite à ce sujet.
C’est un problème pour tout le monde. Il y aura bientôt des prestataires qui se chargeront du transfert des dossards, en accord et en partenariat avec les organisateurs. C’est à souhaiter !
C’est un peu la grosse hypocrisie cette histoire.
On sait très bien pourquoi la plus part des courses interdisent la revente … Hein faut pas se voiler la face.
C’est comme les boites qui vendent 110% de billet sachant que tout le monde viendra pas.
Si on obligeait à mettre en place un système d’échange (avec frais soyons honnête le revendeur doit être perdant car lui aussi bloque ceux qui n’ont pas pu s’inscrire), qui ne serait d’ailleurs pas très compliqué, mettre un nom une date de naissance et un certif sur un numéro on est pas dans ce qu’il y a de plus compliqué.
J’en avais d’ailleurs fait un article en mars de cette année.
PS: je découvre ton blogue que je trouve formidable sur beaucoup de point.
Merci Clément pour les encouragements. Je vais aller voir ton article sur recourir.fr 😉