J’ai lu « Ultra ordinaire » (Joan Roch)

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Aller et revenir du travail en courant, soit plus de 20 kilomètres par jour, toute l’année, en affrontant les rigueurs du climat Québécois ! C’est ce qui a changé la vie de Joan Roch et qui l’a mené naturellement à l’ultra-trail. Et c’est cette histoire qu’il nous raconte dans son livre « Ultra ordinaire – Journal d’un coureur », paru en mars 2016.

Si ce livre n’est pas nouveau, c’est néanmoins une belle découverte pour moi. Je souhaite partager avec vous l’histoire singulière de ce coureur atypique, qui est à même, a de nombreux égards, d’ouvrir nos horizons.

Car au-delà de sa santé et de sa forme physique, sa quête est celle de la course « originelle », en toute simplicité, sans artifice et sans limite. Cette quête qui l’a amené sur les plus grands ultra trails de la planète;

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Partons ensemble à la découverte de sa philosophie de la course à pied, et de sa « méthode » d’entraînement.

Qui est Joan Roch ?

Joan Roch est né à Poitiers, et il a fait ses études supérieures à Lyon. C’est à cette occasion qu’il découvre le Canada, lors d’un stage de fin d’études. Son diplôme d’ingénieur en poche, il va alors rapidement émigrer outre atlantique et faire sa vie au Québec.

Joan est marié, il a 3 enfants, et travaille dans l’informatique à Montréal. C’est ce qui explique que la majorité de ses récits ont pour cadre « la belle province ».

Son passé et sa découverte de la course à pied

Comme beaucoup de jeunes il a touché à tous les sports, sans jamais se découvrir de réelle passion.

Lors de son service national, il a du courir en foret une fois par semaine, et a trouvé ça plutôt plaisant. Et puis vous savez ce que c’est : la vie « active », le bureau, la sédentarité, la prise de poids…

En 2005, il fait plusieurs tentatives pour se remettre à recourir, et après quelques difficultés, il participe à un premier semi-marathon en 2006, puis à son premier marathon en 2007, où le bougre réalise tout de même 3 heures 13 minutes !

Puis un jour de janvier 2012, il met à exécution un plan qu’il murissait depuis plusieurs mois : aller et revenir du travail en courant, chaque jour de la semaine, soit 100 km par semaine !

Une course à pied utilitaire pour s’affranchir des embouteillages, faire des économies, ne pas empiéter sur la vie de famille, et accessoirement perdre un peu de poids.

Run commutes

Le début du livre relate donc ses trajets quotidiens domicile – travail (ses « run commute » en anglais) à travers les rigueurs de la météo Montréalaise.

Et ce qui rend la lecture agréable, c’est que la narration n’est pas chronologique. Il nous livre plutôt une compilation de réflexions sur la course à pied, et sur son organisation personnelle. Et tous les sujets y passent. Le corps qui se transforme, les réflexions des passants ou l’incompréhension des collègues, la logistique nécessaire pour avoir des vêtements propres et secs au travail. Au sujet des blessures, il dit : « L’entraînement transforme le corps en profondeur, dans toutes ses fonctions. Parfois ça grince, parfois ça coince. Mais c’est en naviguant à la frontière de la douleur et de la blessure que l’on progresse, année après année. »

L’ultra-trail

Et notre coureur n’est pas seulement philosophe : il est aussi compétiteur dans l’âme. Dans le paragraphe « hors limite », Joan Roch raconte que la forme physique qu’il a petit à petit développé lui permet d’envisager de participer à des ultra-marathons.

« Je me suis retrouvé au départ du 58 km de l’Ultimate XC, une épreuve disputée en pleine forêt. J’ai abandonné après 44 km, frustré par ce parcours où il était impossible de vraiment courir. Évidemment, je suis revenu l’année suivante, l’année d’après aussi ».

À partir de là, Joan Roch nous emmène avec lui sur les ultras auxquels il participe entre juin 2012 et octobre 2015.

On y découvre les grands espaces et la boue du Québec, l’esprit trail américain avec certains des parcours en allers retours, mais aussi des ultras plus classiques comme la Transmartinique, l’UTMB ou la diagonale des Fous sur l’ile de La Réunion.

Avec lui on court, on souffre, on doute, on exulte. On vit tout simplement ! Et chaque épreuve est l’occasion de passer en revue les différents aspects techniques du trail.

Joan nous donne sa vision de l’alimentation et de l’hydratation en course dans le chapitre intitulé « sans boire ni manger ». Une vision quelque peu minimaliste, comme l’est sa vision de l’équipement du traileur :

« […] Pour ma part, je ne porte que des chaussures, un cuissard et une montre. Difficile de faire moins. […] Oui, léger, puisque selon mon approche, toute charge utile a le potentiel de devenir un poids mort, une distraction ou une nuisance : flottement, irritation, serrage imparfait des sangles, bruit, poids, réserves épuisées, bris. Traduction pour le corps et l’esprit : gestion des stocks, inconfort, inquiétude, frustration. »

Il nous parle également de la camaraderie et la solidarité lors de la Harricana 80 km. Il met la lumière sur la gestion de l’éclairage lors de la Virgil Crest, et raconte sa gestion du sommeil lors de La Bromont Ultra 165 km.

Et tous ces récits sont agrémentés de digressions dans lesquelles il partage par exemple son vécu de la récupération dans le chapitre « Le jour d’après », ou ses expériences diététiques dans le chapitre « Les pieds dans le plat »,

Morceaux choisis

Au fil de son ouvrage, Joan Roch distille sa façon de faire et sa façon de voir les choses dans la course à pied. On peut être d’accord ou pas, cela a le mérite de susciter la réflexion. Voici quelques morceaux choisis.

Au sujet du choix et de la durée de vie des chaussures

« Je n’ai jamais relevé le moindre impact de l’état de mes chaussures sur la pratique de la coursa pied. À une exception près : qu’elles soient neuves ou usées, la seule chose qui compte, c’est la présence d’une semelle. »

Concernant l’abandon sur un ultra marathon

« Rien n’est jamais acquis dans les ultra marathon. Et en somme, d’une course réussie, on ne retire que peu d’enseignement. »

L’humilité face à l’ultra

« Parce que la gloire réside le courage de prendre le départ, en sachant fort bien qu’un monstre nous guette, tapis dans la forêt. Et nous sommes comme des joueurs invétérés, accros non pas aux endorphines, mais à l’incertitude quant à la fin de l’histoire. »

Sur sa gestion des ravitaillements

« J’arrive maintenant à courir pendant plusieurs heures sans eau, sans nourriture, sans gel, sans boisson énergisante, sans sac à dos et sans gourde. Il m’a fallu apprendre à apprivoiser les sensations liées à la soif et à la faim, tout comme je me suis habitué aux douleurs musculaires et à la fatigue. »

Sa vision de la gestion de l’effort en ultra

« A force d’avancer, on finit par arriver. C’est le principe de base d’un ultra marathon. On passe d’un ravitaillement à l’autre et, surtout, on ne pense pas à tout ce qui nous reste à accomplir. »

La qualité indispensable pour réussir en ultra, selon lui.

« C’est alors que j’ai compris que l’unique point commun les ultra marathoniens, ce n’est pas d’avoir le physique de l’emploi, mais la détermination de se préparer pendant des années pour se présenter sur la ligne de départ, sans blessure et avec le sourire. »

Au sujet de la force du mental

« Tant que la tête veut, le corps, même brisé, va suivre. A l’inverse, si la motivation s’étiole, c’est le début de la fin même quand rien d’autre ne cloche. »

 

Sa méthode

Sa méthode, c’est qu’il n’a pas de méthode. Il court à l’instinct, mais toujours à l’écoute de son corps, et il se contente de ralentir si besoin.

Ce qu’il a bien compris et exploité, c’est que l’organisme a de grandes facultés d’adaptation : « Le corps est toujours prêt à apprendre, pourvu qu’on le bouscule » nous dit-il page 131.

Et ainsi, on peut repousser nos limites. « Si elles existent effectivement, les limites sont vraiment personnelles et peuvent être décuplées par l’entraînement »

Mais mon avis, c’est que tôt ou tard, surtout si on veut progresser trop vite, il y a le risque de dépasser nos fameuses limites.

Et ce n’est pas tant l’accumulation de charges d’entraînement importantes qui nous mènent à cela, que les enchaînements d’épreuves d’ultra qui eux peuvent puiser profondément dans les réserves de l’organisme, et dans les ressources psychiques.

 

Il déclare au journal « Nouvelle République » en 2015 : « Courir tous les jours, c’est devenu un style de vie. Je ne me force pas. Le corps s’adapte, se transforme, s’améliore. C’est une exploration, je veux voir jusqu’où je peux aller. »

Et bien Johan à du trouver ses limites, et les dépasser. A cause de changements professionnels ? Une overdose de la course ? Toujours est-il qu’il a cessé de courir du jour au lendemain, et qu’il n’a plus couru en compétition entre l’Ultra Trail Australia en mai 2016, et le Bromont Ultra en octobre 2017. Soit 17 mois sans compétition, dont 10 mois sans course à pied. Le signe d’un probable surentraînement, ou d’un épuisement mental ?

« Si l’entraînement est votre travail et la performance votre salaire, alors la souffrance en est l’impôt. », écrit-il dans son livre, telle une prophétie… Joan est-il passé au contrôle fiscal ??

Peu importe. Sur une carrière, 10 mois ce n’est finalement rien, et cela permet de ressourcer le corps et l’esprit. La bonne nouvelle, c’est que Joan Roch soit redevenu un coureur, et il nous livre de nouveau ses superbes photos sur les réseaux sociaux.

Son compte Instagram : https://www.instagram.com/j0anr0ch/
Vous procurer son livre : cliquez ici >>>

7 Replies to “J’ai lu « Ultra ordinaire » (Joan Roch)

  1. Ce livre à l’air très inspirant et une bonne source de motivation ! Même si je ne suis pas en accord avec certaines pratiques (notamment sur la non hydratation pendant la course), il a piqué ma curiosité ! Y a t-il des informations ou des pistes que tu vas tester ?

    1. Je ne suis pas d’accord avec tout non plus, surtout l’enchainement des ultra trails. Mais j’aime sa philosophie en général, et sa recherche de la course sous sa forme la plus originelle. Pour l’hydratation, je suis plutôt d’accord avec toi, mais je retiens l’idée de s’entraîner à pouvoir s’en passer pour ne pas être dépendant en cas de problème, le(s) jour(s) J.

    2. Bonjour,
      je n’ai pas encore lu ce livre. Mais c’est le genre de récit qui me plait beaucoup.
      Concernant l’hydratation, la sensation de soif n’est pas la même à +30° qu’à -5°. Il y a un importance réelle de s’hydrater. Les récits de la Badwater nous le prouvent. Toutefois, la question que tout le monde se pose est de savoir quelle quantité de boisson devons nous boire à quelle fréquence? Les raramùris courent longtemps dans les canyons surchauffés avec une hydratation minimaliste. Un débutant marathonien ne pourra pas franchir le mur du 30ème sans boire toutes les 10min une gorgée d’eau minéralisée. Je pense que la défaillance physique est en corrélation avec la connaissance corporelle. Je comprends les arguments de Joan Roch sur ses besoins hydriques et alimentaires car son quotidien de nomade à développer en lui des capacités que nous n’avons pas encore connus ou à peine effleurés. D’autres récits d’ultra-marathoniens vont dans ce sens. Il y a des pistes à expérimenter (à la manière de P.Maffeton) qui ne sont pas encore validées par la littérature scientifique ( je pense notamment aux auteurs comme D.Riché, T.Noaks, G.Millet…). Et les cas comme Yuki Kawauchi, qui sont de plus en plus fréquents dans le marathon ou l’ultra marathon, nous montrent bien que notre corps à des capacités que nous sommes loin de maitrisées.
      Alors oui, soyons un peu comme Joan Roch, courons à l’instinct.
      Merci pour ce résumé de lecture, il sera bientôt présent dans ma biblio 😉

      1. Merci pour ton commentaire. C’est effectivement très individuel. Il faut se connaitre. On peut déjà commencer par se peser avant et après une sortie de 60′ (sans hydratation) pour savoir quelle est la perte d’eau, et recommencer l’expérience dans diverses conditions météo.
        Pour moi, il faut avoir les deux compétences : 1- apprendre à s’hydrater régulièrement et à ingérer la boisson. 2- savoir courir sans boire, car c’est une situation que l’on peut aussi rencontrer

        1. Monsieur Cesbron,
          Je suis le père de Joan et je tiens à vous féliciter pour votre article concernant son livre.
          Rares sont ceux qui comme vous ont bien compris la philosophie et l’originalité de la personnalité de Joan. Vous avez lu avec professionnalisme son livre et vous avez su transmettre l’envie de le lire.
          Avez-vous vu sur son compte Instagram toutes les photos exceptionnelles qu’il publie quotidiennement et qui enchantent plus de 10 000 suiveurs?

          Je vous remercie et bien cordialement.

          Denis ROCH

          1. Bonjour Denis,
            Je vous en prie 🙂 Quand ça me plait je le dis, et inversement !
            Oui, je suis abonné à son compte, et j’apprécie ses talents de photographe ! J’aimerai pouvoir faire une interview de lui, un jour. Je suis sûr que l’occasion se présentera.
            Cordialement,
            Sylvain

  2. Sylvain, votre commentaire élogieux n’en a que plus de valeur puisque très honnêtement vous n’hésitez pas à critiquer ce qui ne vous plaît pas.
    Quand Joan viendra voir ses parents poitevins, peut-être pourrons nous organiser cette entrevue.
    Si vous le désirez je peux aussi vous donner ses coordonnées pour une entrevue téléphonique ou par Face Time.
    Si cela vous intéresse dites moi comment vous les envoyer par un moyen discret.

    Bien amicalement.

    Denis

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